Louise Aleksiejew + Antoine Medes


Camille Viéville, “OSP aime les artistes #4: Louise Aleksiejew et Antoine Medes”, 2019
“[...]  Tout en développant l’un et l’autre une œuvre personnelle, Louise Aleksiejew et Antoine Medes travaillent en duo depuis les bancs de l’École supérieure d’arts et médias de Caen, dont ils sont sortis diplômés en 2016. Leur premier projet commun, Ping-Pong, importante série (toujours en cours) de dessins à deux cases dominée par le principe de dialogue, a ouvert la voie à une coopération plus étroite encore où les arts graphiques conservent une place fondamentale. Ainsi élaborent-ils sur papier leurs projets à quatre mains – de grands croquis parfois annotés, où chacun est libre d’ajouter ou d’effacer. Quand une esquisse les satisfait, ils réalisent l’œuvre, tantôt ensemble, tantôt séparément, en fonction du temps mais aussi de l’inclination de chacun pour la technique choisie : plâtre, céramique, textile, encre de Chine, aquarelle ou gouache, crayon de couleur ou graphite, etc.
L. Aleksiejew et A. Medes explorent toutes sortes de médiums avec une appétence à la mesure de leur désintérêt des hiérarchies traditionnelles entre peinture, sculpture, arts dit « mineurs » et artisanat. Leur grande consommation d’images (publicités anciennes et récentes, reproductions d’œuvres d’art, manga, bande dessinée populaire ou underground, cinéma, animation, etc.) nourrit d’un détail de forme, d’un ton, d’une lumière leurs créations, sans pour autant qu’ils ne pratiquent l’art de la citation ou du détournement. Point de jeu de piste ici mais plutôt, sur fond de délectation rétinienne, une réflexion sur la puissance et la dialectique des images et leur convulsion à l’ère d’internet. [...]”


Pierre Pinchon, “Un chewing-gum pour deux : entretien avec Louise Aleksiejew et Antoine Medes”, revue Roven #14, 2019
“[...] P.P.:  D’ailleurs, il devient de plus en plus difficile de savoir qui fait quoi, qui commence et qui répond, tant vos pratiques individuelles paraissent fusionner. Ce phénomène d’hybridation interroge-t-il le statut d’auteur?
A.M.: Oui, car il y a dans le travail à deux un rapport d’imitation de l’autre et une volonté forte de suivre comme de court-circuiter les tentatives de l’autre jusqu’à obtenir une zone floue entre nous. Il y a quelque chose de très grisant à lâcher prise dans la création, à proposer à quelqu’un dont j’aime le travail de compléter ce que j’ai amorcé moi-même. Il y a la sensation d’avoir créé quelque chose qui me dépasse, un corps complexe avec lequel j’ai l’impression d’avoir des discussions et duquel je reçois des enseignements qui ne sont pas possibles avec ma pratique seule.
L.A.: Ce trouble grandissant élargit en réalité le champ de notre production en duo sans prendre le pas sur nos pratiques individuelles, comme un chewing-gum s’étire sans que ses extrémités ne disparaissent pour autant. Il radicalise peut-être encore plus nos pratiques en solo qui, tout en alimentant le duo, doit se distinguer pour conserver une autonomie à laquelle nous tenons. Le travail en duo est un moteur pour le travail en solo, et vice versa. Ainsi, nos identités ne fusionnent jamais en un troisième personnage fictif, mais puisent l’une dans l’autre pour multiplier leurs possibles et raconter l’histoire même de leur rencontre. [...]


Solenn Morel, “Le lac avec des muscles - Louise Aleksiejew et Antoine Medes”, 2018
“[...] La pro­fu­sion par­ti­cipe plei­ne­ment de leur mode opé­ra­toire. D’un côté, la col­lecte cons­tante, de l’autre, la pra­ti­que assi­due du dessin qui n’exclut pas pour autant les réa­li­sa­tions en volu­mes, des ins­tal­la­tions en tissu ou la céra­mi­que notam­ment. Comme si l’intui­tion était inhé­rente au foi­son­ne­ment, à l’éparpillement même. Explorer loin, pro­fon­dé­ment, jusque dans les plis de l’ima­gi­na­tion, pour y puiser la faculté à défor­mer, et détour­ner les images. Dans cet inters­tice entre deux mondes, les leurs d’abord puis ceux des autres, dans cette cham­bre d’échos, ils se sai­sis­sent à coups de glis­se­ments suc­ces­sifs du pou­voir de méta­mor­phose des formes. Ils l’incar­nent dans des lieux, objets et créa­tu­res fan­tô­mes qui se réin­ven­tent sans cesse, dans une sus­pen­sion fic­tion­nelle active. [...]”